IDÉES

Pour l’application du principe pollueur/payeur aux industries de médias et du numérique
Les citoyens que nous sommes ne peuvent pas rester « spectateurs » lorsqu’ils constatent les effets toxiques d’une « société numérique »  qui dévore sa jeunesse. Cette jeunesse, nous la livrons aux robinets à images que sont les chaines d’infos, aux réseaux sociaux et jeux vidéos, et aux mécanismes d’absorption que peuvent avoir des outils a priori neutres mais qui sont utilisés pour des objectifs prosélytes. Chacun sépare, dévore le cerveau de notre jeunesse. Et nous nous résignons à cette non-assistance-à-jeunesse-en-danger. Même s’il n’y a pas que la jeunesse qui est en danger.
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Pour être équitable, il faut, dans le même temps, constater que ces mêmes outils permettent l’émergence et le déploiement de projets, de mobilisations, de prises de consciences, de stratégies d’entraide, voire de solidarité.
Ce n’est donc pas tant des outils qu’il s’agit. Il est tellement facile de se donner bonne conscience en considérant qu’ils sont la source du mal et en faire nos boucs-émissaires tenant lieu d’exutoires des malheurs du monde. Et que « débrancher » tout ce petit monde résoudrait les problèmes du monde.

 

La réalité c’est qu’ils font partie intégrante des codes culturels de plusieurs générations désormais.

 

Une autre réalité est que nos capacités de « majeurs » à accompagner les « mineurs » dans l’appropriation « socialisante » de ces technologies sont faibles: du fait de la rapidité d’émergence, du raccourcissement du cycle de vie de ces technologies et de la confusion qui subsiste entre les habilités numériques de ces générations et le savoir-faire et savoir-être liés aux usages numériques: il ne suffit pas de savoir manipuler pour savoir quoi en faire. L’habilité ne fait pas le discernement. Et c’est pourtant ce que les générations sont censées se transmettre. Et sur cet enjeu, pour l’heure, nous échouons.

 

Ces questions se télescopent à d’autres difficultés de l’époque (et ce n’est pas un hasard) : la place de l’École, l’affaiblissement des moyens publics, la prégnance du financier… Et l’omniprésence pour ne pas dire la domination des groupes de médias et des oligopoles numériques dont l’objet fluctue entre « vendre du temps de cerveau disponible » et « marchandiser les données personnelles » : dans le deux cas c’est le commerce de la personne et de ses flux qui est au coeur du modèle économique. À aucun moment il ne s’agit de « faire société »… au sens propre comme au sens figuré.

 

En résulte un appauvrissement généralisé. Symbolique. Politique. Social.
Ce qui amène tant de personnes à se placer dans la fatalité numérique qui ne porte en son sein aucun projet de société.

 

Il nous faut donc sortir de cette fatalité numérique. Et cela impose de prendre le taureau par les cornes:

 

Il faut s’attaquer aux effets toxiques: cela passe par la question des moyens que l’on consacre aux « soins » . En amont et en aval. Soins préventifs et curatifs. Depuis l’éducation aux médias, en passant par la prévention des risques, l’aide à la parentalité à l’ère numérique, jusqu’aux lieux de « déconnexion ». Pour autant il serait éthiquement inacceptable de faire peser sur les seuls deniers publics les actions de remédiation à la toxicité de ces technologies. Et injuste économiquement compte-tenu de la cruelle et inacceptable absence de contribution à la fiscalité des pays des oligopoles numériques (notamment Facebook et Twitter). C’est pourquoi il est grand temps d’appliquer à ces industries des programmes et ces industries numériques le principe de « pollueurs / payeurs ». Et cela passe par l’élargissement de l’éco-participation à ces industries des médias de flux et du numérique. C’est sur la base de ce fonds que peuvent être notamment financés les « entreprises de dépollution »  que sont les acteurs de l’éducation aux médias et de la médiation numérique.

 

L’urgence d’une appropriation sociale des enjeux du numérique (notamment par les services de la médiation numérique) est à nouveau à l’ordre du jour. Le moment est aussi celui de la loi République Numérique. Et de la COP21.
L’occasion de faire passer dans la loi le principe du pollueur / payeur. Pour que les usages du numérique contribuent au développement durables des rapports sociaux. Et non des usages qui les détruisent.
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